Le contexte du Tchad demande une grande flexibilité et réactivité dans la conception comme dans la mise en œuvre de l’action, une coordination étroite avec la Délégation de l’UE au Tchad, des évaluations périodiques et des ajustements possibles.
Le Tchad est traditionnellement un partenaire clé de la communauté internationale dans la lutte contre le terrorisme dans les régions du Sahel et du Lac Tchad, ainsi que dans les fora multilatéraux. Son engagement militaire dans la région contraste cependant avec le recul de son développement humain, notamment depuis 2014. C’est un pays enclavé d’Afrique centrale d’1.284.000 km², peuplé de 18 millions d’habitants, dont environ 1,5 millions établis à N’Djamena, la capitale. Ces chiffres sont poussés par une croissance démographique de plus de 3,5% qui s’explique par un taux de natalité parmi les plus élevés au monde. Ainsi, plus de la moitié de la population tchadienne est âgée de moins de 18 ans.
Du point de vue économique, malgré la découverte et le début des exportations de pétrole au début des années 2000, le Tchad est parmi les derniers pays dans le classement des pays suivant l’Indice de Développement Humain du PNUD. Son économie repose majoritairement sur une agriculture rurale, fondée d’une part sur une agriculture peu diversifiée, sous financée et vulnérable aux aléas climatiques, et d’autre part, sur l’exportation de certaines matières premières comme l’or, le coton, la gomme arabique ou le sésame. La rente promise par l’exportation de pétrole est contrainte par la fluctuation du cours du prix du baril qui, depuis 2014, a entrainé un important endettement et bénéfice budgétaire de l’état tchadien, dépassant les 50% du PIB en 2016, limitant la fourniture de services publics de base tels que l’eau et l’électricité. Ainsi, avec un taux de pauvreté dépassant les 42%, trois Tchadiens sur quatre environ vivent en situation d'insécurité alimentaire extrême, ce qui explique une espérance de vie moyenne ne dépassant pas les 52 ans. D'après les autorités, en 2020 le taux d'analphabétisme était de 78% chez les hommes, montant même à 89% chez les femmes.
Cette fragilité économique est doublée par une forte instabilité politique dans la région, en proie à des attaques terroristes contre cibles civils et militaires, organisées par des groupes armés souvent autour des frontières des pays du Sahel. Le Tchad s’est donc regroupé au sein d’une organisation militaire, le G5 Sahel, avec quatre partenaires de la zone sahélienne, afin de coopérer en matière de politiques de sécurité et de développement. La présence militaire de la France et d’armées alliées au Sahel depuis 2014, dont le poste de commandement est basé à N’Djamena, fait ainsi du Tchad un partenaire clé de la communauté internationale.
Cependant, en termes de gouvernance, le Tchad se classe parmi les derniers du classement de l’indice Mo Ibrahim 2022 de gouvernance africaine, et se situe en 164ème position sur 179 pays selon l’indice de démocratie électorale de l’Institut V-Dem, rangeant ainsi le Tchad parmi les autocraties.
La vie politique tchadienne demeure relativement stable, si l’on prend comme point de référence d’autres pays de la zone sahélienne qui ont successivement connu des coups d’état ces dernières années (Mali en 2019, Burkina-Faso en 2022, Niger en 2023). Idriss Deby Itno est arrivé au pouvoir en 1990 et jusqu’à sa mort en 2021. Ses 30 ans à la tête du Tchad ont été également marqués par la réintroduction du multipartisme et l’organisation d’élections successives. Cet apparent équilibre est en réalité menacé depuis la fin des années 2000 par des mouvements politico-militaires, venant notamment du Soudan. En 2007, ces incursions répétées manquent de renverser le Président Déby et entrainent le déploiement de la force européenne EUFOR jusqu’en 2009. Néanmoins, les groupes rebelles politico-militaires ne disparaissent pas, et c’est en visite auprès des troupes tchadiennes que le Président Déby meurt en 2021.
Cette instabilité sécuritaire se double de nombreuses crises politiques, comme en 2005 lorsqu'un amendement constitutionnel avait accordé au Président la possibilité de se représenter pour un autre mandat, et de façon croissante à partir de la contestation des résultats des élections présidentielles de 2016. À la suite d’une nouvelle élection en 2021 et la mort du Président, son fils Mahamat Déby reprend le pouvoir à la tête d’un Conseil national de transition. Un Dialogue national inclusif et souverain (DNIS) se déroule entre aout et octobre 2022. Cette transition politique en cours au Tchad depuis avril 2021 est régie par une Charte de la transition révisée en octobre 2022 qui dispose que, sauf abrogation expresse, la législation et la réglementation en vigueur non contraires à la Charte restent entièrement applicables. Cela s'applique implicitement à la Constitution du Tchad, adoptée en 2018 et révisée en 2020, dans l’attente cependant de la refonte constitutionnelle en préparation. Il résulte de cela un cadre législatif fortement évolutif dont les contours ne sont pas encore fixés, couplé à des conditions politiques et sociales volatiles.
Le 17 décembre 2023 un référendum constitutionnel a été organisé et une nouvelle Constitution a été adoptéeavec plus de 85% des suffrages. Cela marque la création d’un nouvel organe de gestion des élections, l’Agence Nationale chargée de la Gestion des Élections (ANGE).
À la suite de l’adoption cette nouvelle constitution faisant entrée le Tchad dans une 5ème République, une élection présidentielle a été organisée le 6 mai 2024. Celle-ci opposait le président de la transition et fils de l’ancien président, Mahamat Idriss Déby, à l’opposant devenu Premier ministre, Succès Masra, et à l’ancien Premier ministre, Albert Pahimi Padacké. À la suite d’une participation annoncée de plus de 75 %, c’est Mahamat Idriss Déby qui est élu Président de la République avec environ 61% des voix. Par la suite, Succès Masra démissionne de son poste de Premier ministre qui revient à Allamaye Halina.
Le projet a pour objectif de développer les capacités institutionnelles et professionnelles des acteurs clés du développement démocratique, dont certains sont déjà en place et d'autres seront connus ou mieux définis une fois l'actuel processus de refonte constitutionnelle accompli.