Le contexte du Tchad demande une grande flexibilité et réactivité dans la conception comme dans la mise en œuvre de l’action, une coordination étroite avec la délégation de l’UE au Tchad, des évaluations périodiques et des ajustements possibles.
Le Tchad est traditionnellement un partenaire clé de la communauté internationale dans la lutte contre le terrorisme dans les régions du Sahel et du Lac Tchad, ainsi que dans les fora multilatéraux. Son engagement militaire dans la région contraste cependant avec le recul de son développement humain, notamment depuis 2014. Pays continental et enclavé, le Tchad est le trait d’union entre le Maghreb et l’Afrique Centrale. Couvrant 1 284 000 km2, le Tchad occupe le 5ème rang des pays les plus vastes d’Afrique après le Soudan, l’Algérie, la République Démocratique du Congo et la Libye. Il partage des frontières communes avec la Libye, au Nord, le Soudan, à l’Est, le Cameroun, le Niger et le Nigeria, à l’Ouest. De par sa position géographique, au Sud du Tropique du Cancer et au cœur du continent africain, il est marqué par une continentalité accrue dont le marasme économique est l’une des conséquences.
Peuplé de plus de 18 millions d’habitants, d’après le dernier recensement de 2009, la ville avait une population d’environ 1 500 000 âmes, mais en 2023, l’on estime cette population à 3 500 000 et 4 000 000 d’habitants établis à N’Djamena, la capitale. Ces chiffres sont poussés par une croissance démographique de plus de 3,5% qui s’explique par un taux de natalité parmi les plus élevés au monde. Ainsi, plus de la moitié de la population tchadienne est âgée de moins de 18 ans.
Du point de vue économique, le Tchad est souvent présenté comme l’un des pays les plus pauvres de la planète. Depuis longtemps, son économie est essentiellement dominée par les activités agro-pastorales qui occupent près de 80% de la population active. Les principales cultures de rente sont le coton, la gomme arabique, les arachides. Ce secteur présente cependant une faiblesse énorme puis que l’agriculture demeure faiblement mécanisée et ne contribuait, en 1993, que pour 48% au PIB (EDST 1996-1997). Le secteur secondaire ne contribue que pour 14% au PIB en raison de la faiblesse des activités dans ce secteur. Le secteur tertiaire contribue à son tour à 38% au PIB, demeure cependant très diversifié et comprend aussi bien d’activités dites informelles que celles dites formelles, c’est-à-dire celles qui émanent de l’économie organisée. Le niveau du PNB est passé de 190 dollars par habitant en 1993 (PNUD, 1994) à 1060 dollars par habitant en 2003 (INED, 2003).
Le Tchad dispose des potentialités pour son développement économique : le potentiel agro- pastoral, minier, artisanal et humain. Ces potentialités qui, en principe, devraient servir de pivot essentiel à une croissance économique soutenue se heurtent à un certain nombre de problèmes. Il s’agit entre autres des guerres interminables, du manque de façade maritime, de l’avancée du désert, de l’insuffisance d’infrastructures socio-économiques et sanitaires adéquates, de l’inadéquation entre la formation et l’emploi, de la détérioration des termes d’échanges, etc. Comme la plupart des pays africains au sud du Sahara, le Tchad a été profondément touché par la crise économique, les Programmes d’Ajustement Structurel (PAS), la dévaluation du franc CFA et surtout l’instabilité politique qui n’ont pas véritablement favorisé des performances économiques aptes à propulser le pays vers l’avant.
Ainsi, la situation économique a entraîné une baisse du pouvoir d’achat, lequel pourrait avoir une influence sur l’accès aux soins et sur la déperdition en matière de soins prénatals.
A l’heure actuelle, le Tchad fait partie des pays producteurs du pétrole. Depuis le 15 Juillet 2003, l’or noir a commencé à jaillir, au prix d’un endettement de 3,7 milliards de dollars, le tout financé par la Banque mondiale dans le cadre d’un programme de développement durable (Tchad, 2005).
L’exploitation du pétrole ouvre de nouvelles perspectives à l’économie tchadienne restée très longtemps moribonde (Assemal, 2003). Des revenus considérables pour ce pays classé par les Nations Unies au 165ème rang mondial sur 175 par rapport à l’Indice de Développement Humain (IDH) en 2004. Avec 64 millions de dollars par an, les rentes pétrolières doubleront les revenus actuels du gouvernement (Tchad, 2005). Ainsi, avec un taux de pauvreté dépassant les 42% 44.8%, trois Tchadiens sur quatre environ vivent en situation d'insécurité alimentaire extrême, ce qui explique une espérance de vie moyenne ne dépassant pas les 52 ans. D'après les autorités, en 2020 le taux d'analphabétisme était de 78% chez les hommes, montant même à 89% chez les femmes.
Cette fragilité économique est doublée par une forte instabilité politique dans la région, en proie à des attaques terroristes contre cibles civils et militaires, organisées par des groupes armés souvent autour des frontières des pays du Sahel. Le Tchad s’est donc regroupé au sein d’une organisation militaire, le G5 Sahel. Selon le rapport d'International Crisis Group de 2021, l’armée tchadienne était composée de 40 000 à 65 000 soldats. Cette armée a un budget qui pèse en 2020 entre 30 et 40 % du budget national, soit 3,1 % du PNB, avec un nombre de soldats par habitant très élevé, faisant du Tchad un des pays les plus militarisés d’Afrique. L’armée tchadienne est souvent sollicitée par ses voisins et des partenaires internationaux. Elle joue un rôle primordial dans la lutte contre le terrorisme dans le Sahel.
Cependant, en termes de gouvernance, le Tchad se classe parmi les derniers du classement de l’indice Mo Ibrahim 2022 de gouvernance africaine, et se situe en 164ème position sur 179 pays selon l’indice de démocratie électorale de l’Institut V-Dem, rangeant ainsi le Tchad parmi les autocraties.
La vie politique tchadienne demeure relativement stable, si l’on prend comme point de référence d’autres pays de la zone sahélienne qui ont successivement connu des coups d’état ces dernières années (Mali en 2019, Burkina-Faso en 2022, Niger en 2023). Idriss Deby Itno est arrivé au pouvoir en 1990 et jusqu’à sa mort en 2021. Ses 30 ans à la tête du Tchad ont été également marqués par la réintroduction du multipartisme et l’organisation d’élections successives. Cet apparent équilibre est en réalité menacé depuis la fin des années 2000 par des mouvements politico-militaires, venant notamment du Soudan. En 2007, ces incursions répétées manquent de renverser le Président Déby et entrainent le déploiement de la force européenne EUFOR jusqu’en 2009. Néanmoins, les groupes rebelles politico-militaires ne disparaissent pas, et c’est en visite auprès des troupes tchadiennes que le Président Déby meurt en 2021.
Cette instabilité sécuritaire se double de nombreuses crises politiques, comme en 2005 lorsqu'un amendement constitutionnel avait accordé au Président la possibilité de se représenter pour un autre mandat, et de façon croissante à partir de la contestation des résultats des élections présidentielles de 2016. À la suite d’une nouvelle élection en 2021 et la mort du Président, son fils Mahamat Déby reprend le pouvoir à la tête d’un Conseil national de transition. Un Dialogue national inclusif et souverain (DNIS) se déroule entre aout et octobre 2022. Cette transition politique en cours au Tchad depuis avril 2021 est régie par une Charte de la transition révisée en octobre 2022 qui dispose que, sauf abrogation expresse, la législation et la réglementation en vigueur non contraires à la Charte restent entièrement applicables. Cela s'applique implicitement à la Constitution du Tchad, adoptée en 2018 et révisée en 2020, dans l’attente cependant de la refonte constitutionnelle en préparation. Il résulte de cela un cadre législatif fortement évolutif dont les contours ne sont pas encore fixés, couplé à des conditions politiques et sociales volatiles.
Le 17 décembre 2023 un référendum constitutionnel a été organisé et une nouvelle Constitution a été adoptée avec plus de 85% des suffrages. Cela marque la création d’un nouvel organe de gestion des élections, l’Agence Nationale chargée de la Gestion des Élections (ANGE).
À la suite de l’adoption cette nouvelle constitution faisant entrée le Tchad dans une 5ème République, une élection présidentielle a été organisée le 6 mai 2024. Celle-ci opposait le président de la transition et fils de l’ancien président, Mahamat Idriss Déby, à l’opposant devenu Premier ministre, Succès Masra, et à l’ancien Premier ministre, Albert Pahimi Padacké. À la suite d’une participation annoncée de plus de 75 %, c’est Mahamat Idriss Déby qui est élu Président de la République avec environ 61% des voix. Par la suite, Succès Masra démissionne de son poste de Premier ministre qui revient à Allamaye Halina.
C’est pour cette raison que le Centre Européen d'Appui Électoral (ECES) a mis en place le projet PAPPE grâce au financement de l’UE. Le projet a pour objectif de développer les capacités institutionnelles et professionnelles des acteurs clés du développement démocratique, dont certains sont déjà en place et d'autres seront connus ou mieux définis une fois l'actuel processus de refonte constitutionnelle accompli.